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20 mars 2012

Guardiola, le papa du Barça

Guardiola, le papa du BarçaC'est un feuilleton que le drame Abidal a évidemment mis en veilleuse, mais il ne se passait plus un jour, la semaine dernière, sans que les joueurs du Barça nous fassent partager le flottement et l'anxiété que suscitait chez eux l'idée que Pep Guardiola puisse les quitter. Lionel Messi a confirmé en personne qu'à ses yeux l'entraîneur catalan était plus important que lui-même au FC Barcelone. Et sans aller jusqu'à la dévotion totale d'un Dani Alves ("Nous ne sommes rien sans lui"), la star du foot mondial dit, de fait, exactement le contraire de son propre coach, qui a toujours placé ses joueurs au premier plan de la réussite blaugrana. Quand il dit ça, Guardiola flatte le plus grand nombre. Le Barça pourrait, entend-on, se passer de coach tellement ses joueurs - dont un Messi hors catégorie - sont au-dessus des autres. Pourtant, l'hypothèse de son départ suscite en interne comme un vent de panique. Qui a raison ?


La question de l'importance relative de Guardiola dans les succès du Barça est complexe. Et brûlante, voire violente. "Un petit con peut croire à cela, moi non", disait récemment le brillant Cesar Luis Menotti dans So Foot, face au postulat que Guardiola n'était qu'un second rôle. Guardiola-Messi... Messi-Guardiola... S'il ne devait en rester qu'un ? Cette question, nous nous la sommes posée à froid il y a quelques mois avec François David, dans le blog Euro-Visions. François avait abouti à la conclusion contraire de celle de Messi : l'Argentin, d'une courte tête, serait plus important que son coach. Je vous recommande cette lecture. L'actualité n'a pas fait vieillir l'article.



Alors que nous attendons encore une info ferme sur la question de la prolongation, je propose trois critères - qui me semblent applicables à peu près à tous les coaches - pour évaluer l'importance de Guardiola dans l'oeuvre récente du Barça.
- Les titres ;
- Le style de management ;
- Le niveau de jeu.


13 titres sur 16 possibles


Avec le recul, il est probable que les termes-mêmes du débat nous paraîtront sans objet : depuis qu'il est entraîneur du FC Barcelone, sa première expérience avec une équipe "une", Guardiola a remporté 13 trophées sur 16 possibles, dont deux Ligues des champions sur trois potentielles et deux titres mondiaux sur deux possibles. Généralement, quand un entraîneur est controversé, c'est parce qu'il est présumé "bon" mais inefficace. Avec Guardiola, c'est le contraire. Serait-il antipathique et pratiquerait-il un football hyper défensif, ses trophées seraient là pour lui donner raison. Il n'a pas inventé le Barça qui gagne ? Soit. Mais son prédécesseur, qui s'est aussi hissé sur le toit de l'Europe en 2006, Frank Rijkaard, a glané cinq trophées sur dix-neuf possibles, ce qui est tout à fait respectable. José Mourinho, qui a signé au Real Madrid avec l'étiquette officieuse de meilleur coach du monde, en est à un sur quatre. L'architecte du Barça qui gagne, c'est Guardiola. Qu'il ait huit points de retard sur le Real aujourd'hui ne démontre qu'une chose : que la victoire ne va jamais de soi et qu'elle est une conquête. Elle valorise ce 13/16.


Trop parfait ou trop autocrate ?


Le style de management est une notion plus floue mais elle est centrale dans le foot hyper-médiatisé du XXIe siècle. Elle fait partie du pedigree d'un coach. C'est ici, semble-t-il, qu'on va le plus souvent chercher la petite bête concernant Guardiola. On souligne que le Catalan ne s'embarrasse pas des joueurs avec lesquels le courant ne passe plus. Il semble les exclure de son logiciel. C'est un fait qui a recruté quelques-uns de ses détracteurs. Là encore, dans Euro-Visions, nous avions souligné cette aspérité.


Cela dit, il n'y a quand même pas à mes yeux de quoi fouetter un chat. Comparé à la complaisance qui accompagne la pratique d'un autre âge du hair-dryer treatment d'Alex Ferguson (que diriez-vous si votre manager vous en infligeait le quart ?), ou à ce qu'a fait subir le PSG à Luyindula ces derniers mois, la pratique de Guardiola ressemble davantage à celle d'un manager qui sait ce qu'il veut et qui dépasse la question des statuts. Ce serait perçu comme une qualité chez beaucoup d'autres. A part ça ? Le principal défaut de Guardiola est peut-être de paraître "trop parfait", comme le suggérait récemment une copie de Slate.fr. "Peut-on être l’homme le plus désiré par les femmes espagnoles, un très jeune entraîneur à succès, un amateur de poésie et de musique, un exemple de modestie et de retenue, un dandy toujours à la mode, la personnalité catalane ET l'entraîneur de l’année, trophée qui lui a été remis lundi 9 janvier ? C’est l’impossible équation qu’a réussi à résoudre Josep Guardiola, l’entraineur du FC Barcelone." Dans l'article, on souligne son "ennuyeuse perfection", un "climat d’admiration presque religieuse et béate quelque peu irritant", "la perversité de son politiquement correct". C'est vrai que quand Pep nous parle de la crise de l'euro pour dire que le Clasico n'a guère d'importance, il abuse franchement. On ne peut pas plaire à tout le monde. Pas plus Guardiola que Mourinho, Leonardo, ou Ancelotti. Mais cette espèce de perfection entre un homme qui fait corps avec son club et ses valeurs plaît. C'est en passe de devenir une mode. Il n'y a qu'à voir cette tendance récente des clubs européens à confier les rênes de leurs équipes à des quadras portant en eux le passé du club : Conte à la Juve, Garde à Lyon, Cocu au PSV Eindhoven.


Menotti : "Il est plus important que ses joueurs, c'est déjà prouvé"


Reste le projet de jeu. Sur le sujet, je n'ai pas grand chose à dire, sinon que l'idée d'une équipe de foot auto-gérée qui accèderait seule à la performance ne me semble pas plus défendable à Barcelone qu'ailleurs. Un entraîneur peut ne rien gagner, peut n'avoir aucune personnalité, il restera au final le dépositaire d'une seule chose : le jeu qu'il conçoit pour son équipe et sa capacité à se faire écouter. D'ailleurs, ne reprochait-on pas à Rijkaard de ne pas avoir eu assez d'emprise sur son groupe au moment où il a été débarqué ? Maintenant que le Barça récite la partition de son chef, on nie à celui-ci la paternité de la mutation...


Je n'ai pas envie de grand chose ici sinon de partager les mots de Menotti, cité plus haut, pour qui "il est d'ores et déjà prouvé que Guardiola est bien plus important que ses joueurs." Celui qui a lui-même coaché le Barça en 1983-1984 souligne : "Il ne se contente pas de dire : 'touchez la balle, touchez la, touchez la'. Ce que réalise Guardiola est bien plus difficile que cela. C'est le produit de l'entraînement, d'idées claires, de cette capacité à savoir se faire comprendre... Il est d'ores et déjà prouvé que Guardiola est bien plus important que ses joueurs. Lui dit le contraire, bien entendu. Que peut-il dire ? Mais on va rappeler qui était Piqué avant Guardiola ? Qui était Pedro, qui était Busquets ? Même Iniesta (...) était discuté. Guardiola n'est pas ce qu'il est grâce à ses joueurs."


Les difficultés de la sélection argentine à valoriser un talent comme Messi démontrent aussi, me semble-t-il directement, qu'il ne suffit pas d'avoir le triple Ballon d'Or sur le terrain pour l'avoir au top. Là encore, j'ai envie de partager une réflexion, signée du rugbyman Jonny Wilkinson, à qui cette évidence s'impose. L'Anglais expliquait récemment à L'Equipe Mag que le respect de la règle et du cadre était la condition sine qua non de l'expression individuelle. "Messi à Barcelone dispose d'un cadre extraordinaire et lui, soudain, réalise quelque chose de génial, grâce au soutien et à la compréhension des autres. Cela ne fonctionnerait pas si on laissait Messi sans structure, comme c'est le cas avec l'équipe nationale argentine. Les gens se disent qu'il n'est pas en forme ou formulent d'autres hypothèses. Mais la vraie raison, c'est simplement l'absence de structure." La structure, c'est Guardiola qui la conçoit, la transmet et la fait appliquer. On dit souvent d'un père qu'il doit structurer ses enfants. Guardiola exerce sur ses joueurs une autorité morale qui ressemble à celle-là. Si on ne veut pas l'admettre, une phrase comme celle de Dani Alves ("Nous ne sommes rien sans lui") restera longtemps incompréhensible